LE PREMIER MATIN D'UN MONDE NOUVEAU !
Homélie du fr. Hervé Jégou, o.p., pour le Dimanche de Pâques
C’était le silence en ce premier jour de la semaine lorsque ces femmes se rendent au tombeau de grand matin. Oui, la vie allait reprendre petit à petit comme d’habitude avec pour elles en plus le poids de leur chagrin.
Frères et soeurs,
Tout était retombé dans le silence après tous ces cris et toute cette violence !
Un silence déchiré par les sanglots sourds des amis de Jésus, anéantis par la douleur de la disparition du Maître. Mais un silence déchiré aussi par les ricanements satisfaits de ceux qui avaient voulu et obtenu la mort de Jésus. Pour eux tout était rentré dans l’ordre !
C’était le silence du Shabbat. Ce septième jour de la semaine pendant lequel nous dit le texte de la Genèse, Dieu s’était reposé de toute son oeuvre de création et pendant lequel les hommes, eux aussi, se reposaient en rendant grâce à Dieu pour sa création.
C’était le silence du Shabbat pour les hommes. Mais voici que dans le silence de Dieu, en ce septième jour de la semaine, le monde invisible connait une agitation incomparable :
Non, en ce jour du Shabbat Dieu ne se repose pas ! Dieu ne dort pas ! Dieu ne sommeille pas ! Dieu lui-même transgresse sa propre loi pour réaliser cette grande merveille !
Car en ce jour, le Père reçoit dans sa gloire le plus beau des enfants des hommes. Celui qui vient de lui donner le suprême témoignage de son amour en lui offrant sa vie sur la Croix. Celui qui est allé chercher Adam et sa descendance dans les profondeurs de la terre.
Voici qu’en ce jour le Fils bien aimé du Père, qui s’était dépouillé de sa gloire éternelle en devenant semblable aux hommes, est souverainement élevé par la force de Dieu. Voici que le Père retrouve son Fils éternel revêtu de la condition humaine. Voici que le Père et le Fils se donnent ce doux baiser d’amour dans l’unité de l’Esprit. Voici que Dieu insuffle une nouvelle fois son souffle de vie sur une créature pour que la vie triomphe à jamais de la mort.
Non, en ce jour, Dieu ne se repose pas ! C’est à croire même qu’il avait réservé ce jour pour travailler au couronnement de son oeuvre. Car aujourd’hui la création reçoit le geste ultime du créateur. La mort qui était venu dans le monde par la désobéissance d’un seul est désormais vaincu par l’obéissance d’un seul. Le premier homme avait été façonné avec de la glaise et de la boue, l’homme nouveau surgit plein de vie des entrailles de la terre.
C’était le silence en ce premier jour de la semaine lorsque ces femmes se rendent au tombeau de grand matin. Oui, la vie allait reprendre petit à petit comme d’habitude avec pour elles en plus le poids de leur chagrin.
Elles ne savent pas encore que dans le silence et la nuit du tombeau le corps sans vie de leur Seigneur a été saisi par l’amour infini du Père. La puissance de Dieu a fait surgir la vie dans ce lieu de mort, l’amour du Père a déserré son Fils des liens de la mort en vidant la mort de sa substance comme il a vidé ce tombeau. Dans le silence de la nuit du tombeau la voix du Père a retenti :
« Eveille-toi ô toi qui dort, relève-toi d’entre les morts, mon Fils, mon Bien- aimé ».
Rien ne peut plus retenir l’amour de Dieu : désormais la mort a été vaincue, l’avenir du Royaume est ouvert comme ce tombeau, désormais les portes du Royaume ont été ouvertes en même temps que la pierre du tombeau a été roulée par la puissance de Dieu.
C’est le premier jour de la semaine. Le premier matin du monde nouveau ! Jour du soleil. Jour de Celui qui est la vraie lumière, lui qui « est Dieu, né de Dieu, lumière né de la lumière ». Mais le message de ce tombeau vide est encore trop grand, trop incroyable pour ces femmes. Elles ont peur, portant avec elles cette peur archaïque de l’humanité autour des tombeaux et des morts vivants qui peuvent s’y promener. « N’ayez pas peur », leur dit l’ange. Il est Ressuscité, il n’est pas un mort-vivant, il est un vivant-vivant, il est le Vivant.
Le tombeau est vide ! Mais si ce tombeau n’a pu retenir Jésus dans les liens captifs de la mort c’est que ce tombeau vide appelle d’autres tombeaux vides ! Si le Verbe de Dieu est venu partager notre humanité c’est pour venir nous partager le triomphe de la Vie sur la mort. C’est toute la grâce de notre baptême.
Alors, frères et soeurs, en cette sainte nuit de Pâques, n’ayons pas peur !
Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis.
Un jour, nous aussi, dans notre tombeau, nous entendrons cette parole : « Eveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera !
Fr. Hervé Jégou, o.p.
Directeur général du Pèlerinage du Rosaire