L’ANNONCIATION, LA PLUS BELLE DES RENCONTRES
En cette fête de l’Annonciation, quelques semaines après les Assises de préparation du Pèlerinage du Rosaire sur le thème « Avec Marie, pèlerins d’Espérance », comment ne pas espérer, rêver, plus belle rencontre que celle qui s’est passée entre Marie et l’ange Gabriel ?

Comment rêver, espérer plus belle rencontre. Lorsqu’elle se produit c’est forcément le trouble qui s’empare de vous. Comment pourrait-il en être autrement quand on voit surgir dans sa vie, dans son cœur une Parole qui vient de l’invisible. Parole rêvée quelquefois au sens propre du terme ou, comme ici, parole directement transmise par l’ange du Seigneur et qui surgit dans un instant d’une vie.
Cette rencontre qui s’est passée à Nazareth entre Marie et l’ange Gabriel, nous en connaissons le récit par cœur … ou presque par cœur. Non pas que nous l’avons appris par cœur comme les poésies de notre enfance mais parce que nous le connaissons par le cœur tant cette rencontre nous touche au cœur devant la fragilité de cette jeune femme qui est visitée par l’inouïe de Dieu. Tant cette rencontre est ouverture au salut pour chacun de nous. Car ce récit nous parle oh combien de nous !
Mais le connaitre par cœur peut nous faire oublier la profondeur de ce récit. Aussi je voudrais vous proposer de le redécouvrir un peu grâce à un passage d’un livre paru en janvier dernier qui le revisite sous la plume d’une femme dans la liberté littéraire et poétique. Ce livre a pour titre « Vivre tout bas ». Il est écrit par Jeanne Benameur.
« Parfois la nuit quand elle sent un parfum qu’elle ne reconnait pas, elle s’arrête. Elle s’imprègne de la senteur inconnue. Elle voudrait retrouver l’odeur si intense et délicate à la fois qui l’avait enveloppée une fois, une seule, et qui l’avait émerveillée. C’était juste avant qu’elle entende les étranges paroles qui lui disaient sa vie. Le parfum l’avait emportée. »
Frère et sœurs, d’abord le souvenir d’un parfum ! Mais quel est ce parfum ? D’où vient ce parfum ?
L’ange Gabriel serait-il à ce point coquet, qu’il se serait aspergé de ce parfum « si intense et délicat à la fois », avant de prendre la direction de Nazareth sur ordre de son Seigneur !? Non bien sûr !
Où est-ce, au risque de plagier le titre d’un film célèbre, un « parfum de femme ». Pas d’avantage !
Serait-ce alors un parfum venant de Dieu ? Dieu a-t-il un parfum ?
Ce parfum vient sûrement de Dieu, émanant de cette branche de lys que tient l’ange Gabriel dans l’iconographie classique de l’Annonciation. Le lys symbole de pureté. Oui, ce parfum pourrait s’appeler non pas « Number five « ou « J’adore » mais « Pureté ». Pureté de Dieu, pureté de cette jeune femme. Quand deux puretés se rencontrent.
Mais si c’était aussi le parfum du rameau de l’Arbre de Jessé qui fleurit aujourd’hui. « De l’arbre saint de Jessé, un rameau a fleuri, sur toi Vierge Marie a reposé l’Esprit ». Et Marie a été emporté par ce parfum, emporté dans le dessein de Dieu.
« Elle avait écouté car rien ne pouvait empêcher ces paroles de l’atteindre. C’était dehors et dedans à la fois. Immobile, elle avait entendu sa vie. Tout le récit de sa vie, de ce qui l’attendait. Elle n’avait pas frémi. C’était impossible de ressentir quoi que ce soit. Les paroles, claires, se déposaient et disparaissaient à la fois. C’était comme si le silence avait parlé puis s’était tu… ».
Frères et sœur, seule la poésie peut faire partager ce qui se passe aujourd’hui dans la vie de Marie au cœur de cette rencontre. Ces paroles de l’ange si uniques. Ces paroles de l’ange qui viennent du plus haut. Ces paroles de l’ange qui surgissent du silence de Dieu comme une vague vient de l’océan et vient lécher doucement la plage avant de disparaitre.
Ces paroles qui lui parlent d’elle. Elle qui doit « se réjouir » car elle a « trouvé grâce auprès de Dieu ». Des paroles d’une douceur infinie qui sont venues descendre au plus profond d’elle-même, au plus profond de son silence à elle.
Des paroles qui engagent toute sa vie par la mission qu’elles lui confient. Être la mère du « Fils de Dieu ». Des paroles incompréhensibles, incroyables tant ce qu’elles annoncent dépassent l’entendement d’une jeune femme de Nazareth. Et des paroles pourtant si claires comme celles des premiers jours du monde quand Dieu a fait surgir l’être du néant. Dieu dit … et il en fut ainsi !
« Longtemps elle a attendu d’autres paroles, a attendu que le parfum inconnu à nouveau l’emporte. Comme cette première fois. Mais la première resterait l’unique fois, maintenant elle l’a compris ».
Frères et sœurs, comment ne pas vouloir qu’une telle expérience aussi intime de Dieu ne puisse pas recommencer. Sentir à nouveau ce parfum. Se laisser emporter par lui. Entendre encore ces paroles pour être sûre de les avoir entendues un jour. Mais cette rencontre avec l’ange restera une rencontre unique, une unique rencontre. L’unique rencontre qui va décider de sa vie. Il ne s’agira plus alors de se laisser emporter par ces paroles mais de les porter, de les mettre en oeuvre jour après jour dans sa vie dans la fidélité et l’espérance. Réjouis-toi Marie !
Fr. Hervé Jégou, dominicain,
Directeur général du Pèlerinage du Rosaire
Bibliographie : Vivre tout bas, Jeanne Benameur, Editions Actes Sud